Une militante marocaine et son évaluation controversée de Kosmos
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Une ressortissante marocaine qui consacre sa vie à faire campagne pour la position marocaine du conflit du Sahara Occidental travaille sur la prochaine « évaluation de l'impact social » de Kosmos Energy. Le forage dans le territoire occupé doit commencer en novembre.
Publié 21 septembre 2014


Son nom est Naima Korchi. Des dizaines de fois, elle a participé à des événements internationaux pour présenter une position identique à celle du gouvernement marocain. Elle nie l'existence de réfugiés du Sahara Occidental.

WSRW ne connaît pas les termes de référence de son travail, ni la date de publication du prochain rapport. Cependant, WSRW a reçu confirmation de nombreuses sources que Kosmos Energy a commandé à Korchi un travail d’écriture ou de recherche pour le rapport d'évaluation de l'impact social de la compagnie en ce qui concerne le programme d'exploration dans le territoire occupé. En novembre, Kosmos Energy devrait forer pour la première fois au Sahara Occidental. WSRW s’attend à ce que le rapport soit publié avant le commencement du forage.

Korchi est une figure bien connue dans la communauté sahraouie en raison de ses nombreux voyages à l'étranger, où elle présente la position marocaine. Elle se dit elle-même «expert en droit international » et dit que le travail du Sahara Occidental est son activité principale. Début juillet, Korchi a été vue avec un analyste interne de Kosmos Energy en visite dans le territoire occupé.

Il est difficile de savoir comment les conseils de Korchi pourraient être utiles. L'avis de Korchi est que le Sahara Occidental fait partie du Maroc, que les réfugiés ne sont pas des réfugiés, mais des kidnappés marocains (!) et que le Polisario est un «mouvement séparatiste». Korchi refuse l'existence du peuple sahraoui, mais décrit tous les gens du Sahara Occidental comme "marocains". Voir ci-dessous une série de déclarations controversées de Korchi.

« Sur la base de l'approche présente de Kosmos Energy, et la connaissance des préparatifs que la compagnie a entreprise dans la production de son évaluation d’impact social, nous avons de sérieux doutes que les droits du peuple du Sahara Occidental soient reflétés dans le rapport », a déclaré Erik Hagen, président du Western Sahara Resource Watch (WSRW).

« Passer commande à une personne de la nature de Korchi pour réaliser l'étude d'impact social illustre l'approche du conflit par Kosmos Energy. C’est la même approche que celle utilisée dans la soi-disant « déclaration jointe » établie avec la compagnie pétrolière nationale marocaine. Le permis de Kosmos Energy et le dialogue n’ont lieu qu’avec le gouvernement de l'occupation et les organisations marionnettes, et non avec le peuple du territoire », a déclaré Hagen.

WSRW appelle les lecteurs attentifs de la prochaine évaluation de l'impact social à voir si l'un des points suivants y sont inclus :
- Toute référence à des opinions de groupes sahraouis qui soutiennent le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination.
- Toute référence à une consultation avec la partie du peuple du Sahara Occidental qui a fui le territoire suite à l'occupation marocaine du territoire en 1975, et qui réside actuellement dans des camps de réfugiés dans l'ouest de l'Algérie.
- Toute référence à un rejet du Maroc au Conseil des droits de l'homme de l'ONU en 2012 de suivre les normes minimales de l'enregistrement des organisations de la société civile.
- Toute référence à des manifestations ayant eu lieu à ce jour contre les projets pétroliers de Kosmos Energy sur le territoire. Toute référence ou entretiens avec les Sahraouis blessés par la police marocaine dans ces manifestations. Toute évaluation des risques sur la façon dont la sécurité ou la situation des droits humains pourrait se détériorer puisque les autorités marocaines essaient d'empêcher les Sahraouis de défendre leurs droits légitimes sur leurs propres ressources dans un contexte où la liberté de manifestation et d'organisation est confisquée.
- Toute référence à la conclusion de l'avis juridique de l'ONU de 2002, dans lequel le Conseiller juridique des Nations Unies stipule que « si des activités de prospection et d’exploitation devaient être entreprises au mépris des intérêts et de la volonté du peuple du Sahara occidental, elles contreviendraient aux principes de droit international applicables aux activités touchant aux ressources minérales des territoires non autonomes. »
-Toute référence à la manière dont le processus de paix de l'ONU pourrait être affectée négativement parce que l’inclination du Maroc à accepter un processus d'autodétermination diminue en proportion d'une potentielle découverte pétrolière.
-Toute référence à la façon dont le Maroc est en mesure de signer une licence pour des fonds marins sur lesquels il n'a aucune souveraineté et sur lesquels il a même jamais posé de revendication maritime, et ce qu’il dit la déclaration du Front Polisario en 2001 sur la première émission par le Maroc de la licence Boujdour dans ces eaux, considérée comme une violation du cessez le feu.

Toutes les informations connues à ce jour sur les contacts de Kosmos Energy sur le terrain au Sahara Occidental pointent le fait que seules les «ONG marionnettes» identifiées par le gouvernement marocain ont été contactées dans la réalisation de ce rapport. WSRW a écrit le 29 juin que Kosmos a reçu la liste des «ONG» déclarées par l'administration marocaine au Sahara Occidental. WSRW sait qu’aucun groupe sahraoui n’a jamais été contacté par Kosmos Energy.


Vues de Korchi sur le conflit :
1. Elle est un défenseur prononcé du plan marocain d'intégration du Sahara Occidental dans le royaume marocain : « cela assurera de maintenir la stabilité du royaume », dit-elle. Korchi exprime «sa profonde admiration pour notre défunt roi » (Mohammed V).
2. Sa campagne sur le Sahara Occidental est sa tâche principale - encore une fois du point de vue de la position marocaine.
Voici une citation d'une interview en 2013:
« Quelles sont les principales causes que vous défendez et à travers quel organisme ?
La question du Sahara, notamment le volet humanitaire, repose sur la violation des droits de l’Homme des populations séquestrées à Tindouf. Cette vocation occupe la majorité de mon temps d’action. Je le fais au sein de mon ONG ou comme invitée par d’autres organismes. J’interviens notamment auprès des organisations internationales des droits de l’Homme, des Parlements (récemment ceux de l’Afrique du Sud, des pays scandinaves, du Parlement européen). »
3. Elle affirme que le Sahara Occidental fait partie du Maroc ou "provinces du Sud", et que les gens dans les camps de réfugiés sont des «compatriotes» - un terme plutôt insultant du propre point de vue du peuple sahraoui, étant donné qu'ils ne sont pas.
À de nombreuses occasions, Korchi répète le récit marocain que le peuple sahraoui n'existe pas vraiment, et que les gens dans les camps de réfugiés sont des Marocains kidnappées "retenus contre leur volonté", comme indiqué ici lors d'une réunion à Paris en 2009.
Korchi met en question leur statut de «réfugiés» et parle du «soi-disant peuple sahraoui », comme lors de ce séminaire à Rabat en 2009. Ces déclarations sont en pleine conformité avec la position marocaine.
Dans une déclaration faite en 2012, elle affirme que le Maroc est le "pays d'origine" des enfants à Tindouf, déformant le fait que le Sahara Occidental n'a jamais fait partie du Maroc. « Pour la juriste internationale Naima Korchi et Anna Maria Stame du Centre international de la démocratique, les plans de cours et les matériaux utilisés dans les écoles fréquentées par les enfants des camps de Tindouf sont loin d'être conformes aux normes internationales. Selon la pratique, la culture du pays d'origine est enseignée aux enfants déplacés afin qu'ils maintiennent des liens avec leur patrie. Pourtant, dans les camps de Tindouf et pour des raisons évidentes, les séparatistes empêchent les enfants d'avoir accès à des faits ou des informations sur leur pays d'origine, le Maroc, et sur la culture marocaine » ont affirmé les deux militantes des droits de l'homme.
En 2013, elle a qualifié le Front Polisario de groupe «séparatiste» - qui, en théorie, aurait un sens si le Sahara Occidental tentait de se séparer de Maroc - mais cette qualification n’a en l’occurrence pas de sens puisque le Sahara Occidental n'a jamais fait partie du Maroc.
4. Korchi exprime régulièrement des préoccupations sur les violations des droits humains dans les camps de réfugiés qui ne sont fondées sur aucun rapport sérieux, ni étayées par de la documentation.
En 2013, à Genève : « Pour sa part, Naima Korchi, membre de l'Agence internationale pour le développement (AIDE), a dénoncé la situation des femmes dans les camps de Tindouf et a déclaré que ces femmes « sont laissées à la merci des dirigeants de ce mouvement séparatiste qui leur fait subir l’odieux crime de la procréation forcée ».
5. Dans sa campagne, Korchi attire des visiteurs internationaux dans les territoires occupés, les associant à des déclarations critiques sur le Polisario. C'est une stratégie que WSRW voit souvent appliquée par le gouvernement marocain.
En 2014, Korchi a lancé un réseau appelé le "Forum des femmes africaines" et une réunion de ce "forum" a eu lieu dans la ville occupée de Dakhla du 8 au 11 mai 2014. Korchi a été élue «directrice générale» du réseau. La réunion aurait attiré des femmes de 30 pays jusqu’à Dakhla. (Cette façon de rechercher un appui international au Maroc est souvent vue à Dakhla). La déclaration faite par l'initiative de Korchi appelle les réfugiés sahraouis des "Marocains". Dans un article de la MAP (Maghreb Arabe Presse, l'agence d’actualité du gouvernement marocain), elle est appelée «présidente» de l’AFW. Voir aussi ici.
"Les participants, parmi lesquels des ministres, des députés et des experts de l'Afrique, ont exprimé leur solidarité avec ces femmes détenues de force dans les camps de Tindouf où elles subissent tous les types d'abus, y compris le viol et la séparation d'avec leurs enfants, déplorant le black-out médiatique imposé par les dirigeants du Polisario qui cachent cette situation tragique", a t il été déclaré.
6. Korchi - mentionnée comme expert du droit international - interprète fondamentalement à l’envers l'avis de la CIJ en 1975, qui est un document clé dans la compréhension de l'illégalité de la présence du Maroc au Sahara Occidental. La CIJ indique que les liens de la souveraineté marocaine sont sans fondement, et ne donne absolument aucune crédibilité aux revendications du Maroc et de la Mauritanie. Dans une parenthèse, la CIJ mentionne que « certains, mais seulement quelques-uns des peuples nomades» ont un certain lien avec le sultan, mais que cela n’avait vraiment pas d'importance. Voir l'avis de la CIJ ici.
Cependant, Korchi - parfaitement en ligne avec la position officielle marocaine - dénature le texte de la CIJ : "Mme Korchi qui a, par ailleurs, rappelé dans son intervention l'avis rendu par la Cour internationale de Justice (CIJ) en 1975 confirmant le lien d'allégeance entre les tribus du Sahara et les souverains marocains."
7. Elle voit le travail des ONG au Sahara Occidental à la lumière de la défense de la "question nationale" du Maroc. Elle appelle le conflit du Sahara Occidental "la question du Sahara", indiquant que le gouvernement marocain devrait faire plus pour soutenir les ONG marocaines de défense de cette "question nationale".

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