L'helvético-suédois ABB commence ses opérations en terre occupée
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Le géant technologique helvético-suédois ABB a été chargé de construire l'infrastructure destinée à connecter à un nouveau parc éolien situé au Sahara Occidental et au réseau électrique national marocain.

Publié 20 novembre 2018

Le groupe helvético-suédois ABB, dont le siège est à Baden, en Suisse, participe au projet éolien Aftissat près de Boujdour, au Sahara Occidental occupé. Sa mission consiste à installer une sous-station hybride reliant le nouveau parc éolien du Sahara Occidental au réseau énergétique du Maroc, pays qui occupe illégalement le Sahara Occidental.

Dans un communiqué de presse publié en juillet 2017 (télécharger), ABB annonçait pour la première fois qu'il "collabore avec Energie Eolienne du Maroc" pour construire un nouveau poste hybride d'une capacité de 225/33 kilovolts (kV), avec possibilité de mise à niveau jusqu'à 400 kV ou le parc éolien mis à niveau à 300 MW ".

Cependant, ABB ne précisait pas la localisation de cette opération. L'annonce indiquait à la place que les travaux seraient entrepris dans le "sud du Maroc" - une description vague faisant référence au Sahara Occidental. Son partenaire, Energie Eolienne du Maroc (EEM), est une filiale de Nareva, propriété du palais marocain. Nareva est propriétaire de tous les parcs éoliens publics du Sahara Occidental occupé.

La vague déclaration d’ABB a amené l’association suisse Terre des Hommes schweiz à interpeller la société. Terre des hommes a écrit à ABB le 25 avril 2018 pour lui demander de préciser où la station serait localisée : au Maroc ou au Sahara Occidental. L'ONG a également demandé si ABB envisageait de nouveaux projets dans la même région et si elle avait obtenu l'accord préalable du peuple du Sahara Occidental, représentée par le Front Polisario. Un rappel a été envoyé le 15 mai 2018.

Le 11 juin 2018, ABB a répondu que le projet serait réalisé à Aftissat, près de Boujdour. La société ne le précise pas, mais le lieu est bien dans la partie du Sahara Occidental sous occupation marocaine. Sur la question du consentement, le cabinet a déclaré qu'il "n'avait pas eu de contact direct avec les acteurs politiques locaux".

Aftissat est un parc éolien de 200 MW qui devrait être opérationnel début 2019.

Le Maroc a de grands projets de capitalisation sur le potentiel éolien des deux tiers du Sahara Occidental qu'il maintient depuis 1975 sous occupation militaire illégale. Les calculs de WSRW suggèrent que d'ici à 2020, 40% de la production éolienne du Maroc serait effectivement en provenance de la terre occupée. Et pratiquement toute la production est contrôlée par Nareva - la société du roi marocain lui-même, ce qui en fait le plus grand producteur d'électricité du Maroc et du Sahara Occidental.

Le peuple du Sahara Occidental s'oppose à cette évolution. Selon lui, l'infrastructure énergétique va consolider l'occupation marocaine, le Maroc devenant de plus en plus dépendant de sa présence au Sahara Occidental pour satisfaire ses besoins en énergie. La majeure partie de l'énergie générée est destinée aux industriels, ce qui facilite l'exploitation des ressources du territoire par le Maroc. Et comme le développement des énergies renouvelables au Sahara Occidental est très lucratif pour le roi du Maroc, il sera peu enclin à s'engager de manière crédible dans les pourparlers de paix onusiens déjà dans l'impasse.

"Western Sahara Resource Watch appelle ABB à respecter le droit international, le droit international humanitaire, les récents arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne et les droits du peuple du territoire. Établir des partenariats avec le roi du Maroc pour la construction d'infrastructure pour la production d'énergie en territoire occupé est hautement non éthique. Nous recommandons à tous les investisseurs de prendre contact avec ABB pour leur demander à annuler le contrat et se retirer", a déclaré Sara Eyckmans de Western Sahara Resource Watch.

Il existe actuellement deux parcs éoliens opérationnels sur le territoire : le parc éolien privé CIMAR (5 MW) qui fournit l'énergie nécessaire à la cimenterie ; et le parc Foum el Oued de 50 MW située près de El Aaiun, capitale du Sahara Occidental, qui fournit 95% de l'énergie nécessaire à l'exploitation par le Maroc de la mine de phosphate du Sahara Occidental. Deux parcs devraient être construits dans le cadre du programme intégré d'énergie éolienne du Maroc : les parcs de Tiskrad de 300 MW et de 100 MW près de Boujdour. Ces projets sont suspendus en raison de contraintes financières : la plupart des bailleurs de fonds, y compris la BED, l'UE et KfW, ont limité leur financement aux projets situés au Maroc, et non au Sahara Occidental. Le projet Aftissat est financé par les banques marocaines. Un autre parc éolien de 400 MW pourrait être construit près de Boujdour. Trouvez ci-dessous une carte illustrant tous les parcs éoliens.

Des équipes d’ABB originaires d’Espagne, du Maroc, d’Italie, de Turquie, de Suisse et de Suède ont participé au poste Aftissat, doté de 16 millions de dollars.

Outre ABB, les sociétés Siemens (Allemagne), Enel (Italie) et Windhoist (Royaume-Uni) sont impliqués dans des projets du secteur de l’énergie au Sahara Occidental.

En novembre 2016, WSRW a publié le rapport "Électrifier le pillage", documentant les projets d'énergie éolienne du Maroc au Sahara Occidental. Ce rapport n'incluait ni le parc éolien Aftissat ni les rumeurs de parc éolien de 400 MW de Boujdour. À l'époque, on pouvait calculer qu'en 2020, la part du Sahara Occidental dans la production éolienne totale du Maroc serait de 22,5% (450 MW sur un total de 2 000 MW, comprenant des parcs éoliens opérationnels, prévus et en construction).

En incluant à présent les deux nouveaux parcs situées près de Boujdour, cette part augmenterait à 40,3% - puisqu'il semble ne pas y avoir de nouveaux projets au Maroc (selon les données disponible en juin 2017).

La carte ci-dessous inclut les fermes Aftissat / Boujdour, mais pas la grande ferme prévue à Dakhla.
 

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