La rapporteure : le commerce au Sahara contre les efforts de paix UN
La principale députée européenne sur le dossier commercial controversé du Sahara Occidental a introduit un vote supplémentaire de dernière minute, portant sur les consultations de l'ONU et les effets potentiels de l'accord sur le processus de paix dirigé par l'ONU.
Publié 16 janvier 2019


Les choses s'échauffent à la veille du vote du Parlement européen sur la proposition d'intégrer la partie du Sahara Occidental occupée par le Maroc dans l'accord commercial UE-Maroc.

Le groupe libéral (probablement à l'instigation de sa principale eurodéputée, Mme Marietje Schaake) a maintenant suggéré un vote par division sur un paragraphe particulier de son rapport qui fait référence à l'ONU. Un vote par division est considéré comme la dernière option disponible pour supprimer des parties du rapport une fois que le délai de dépôt des amendements a été dépassé.

Concrètement, Schaake suggère de scinder la phrase de l'ONU en deux parties et de faire voter le Parlement séparément sur chaque partie.

Au point 9 de son libellé actuel : "souligne que tout au long du processus de consultation, la Commission et le SEAE ont maintenu des contacts réguliers avec l'équipe de l'envoyé personnel du Secrétaire Général des Nations unies pour le Sahara Occidental afin de garantir que l'accord proposé soutient les efforts des Nations unies de parvenir à un règlement durable ".

La proposition de Schaake est de scinder cette phrase en une partie indiquant "Tout au long du processus de consultation, la Commission et le SEAE sont restés en contact régulier avec l'équipe de l'envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental", et en une deuxième partie stipulant " veiller à ce que l'accord proposé soutienne les efforts de l'ONU pour parvenir à un règlement durable ".

Schaake n'a pas écrit le rapport elle-même, elle a hérité de la version finale de son prédécesseur, Patricia Lalonde (libérale française), qui a démissionné de son poste de rapporteur le 10 décembre 2018 après la révélation par les médias de l'UE de sa qualité de membre actif d'un groupe de lobby parrainé par le Maroc. Lalonde fait actuellement l'objet d'une enquête pour sa possible violation du code de conduite du Parlement.

Schaake expose maintenant le dossier sous un angle différent de celui de son prédécesseur. Sa suggestion de scinder le paragraphe ci-dessus pour un vote semblerait impliquer qu'elle ne souscrit pas à la phrase telle que écrite par Lalonde et considère que la deuxième partie est incorrecte. On peut donc comprendre que la principale eurodéputée chargée du dossier commercial du Sahara Occidental affirme ainsi à tous qu'elle ne croit pas que l'accord contribuerait d'une manière ou d'une autre au processus de paix de l'ONU.

Cette position est conforme à l'amendement que Schaake avait déjà présenté dans son propre rapport, introduisant un paragraphe appelant à accorder des préférences commerciales au peuple du Sahara Occidental dans son intégralité - soulignant que l'accord violait l'intégrité territoriale du Sahara Occidental en ne créant que des bénéfices potentiels pour la partie qui est sous occupation marocaine. Le peuple du Sahara occidental qui vit dans des régions qui ne sont pas sous la présence militaire du Maroc ne retirent aucun bénéfice commercial.

Pas plus tard qu'hier, Schaake a voté en faveur d'un débat public sur la proposition - bien que ce soit son groupe politique qui soit à l'origine de la motion tendant à ce qu'un tel débat soit rayé de l'ordre du jour du Parlement. Patricia Lalonde a voté contre un débat public.

Vote en bazar

Le vote par division suggéré n'est pas le seul élément qui souligne la piètre qualité du rapport rédigé par l'eurodéputée Lalonde. Lisez ici notre analyse des déclarations trompeuses et fausses contenues dans ce rapport. La question reste de savoir pourquoi l'eurodéputée Schaake voudrait que son nom figure dans le rapport non modifié.

Un nombre important de députés ont lancé un appel pour que la proposition commerciale soit renvoyée devant la Cour de justice de l'Union européenne pour un avis consultatif sur la conformité de l'accord proposé avec le droit de l'Union européenne - ce que les services juridiques du Parlement européen n'ont pas pu confirmer.

En outre, un groupe de députés européens du groupe S&D et Verts/ALE ont présenté un amendement visant à protéger le droit des consommateurs de connaître l’origine - Sahara Occidental ou Maroc - des produits importés dans le cadre de l’accord commercial. Un tel mécanisme de traçabilité est l'option privilégiée par la Commission européenne - même si le Maroc s'y oppose. Un contre-amendement omettant toute référence au respect de la législation sur les droits des consommateurs a toutefois été proposé par le socialiste allemand Bernd Lange, la socialiste espagnole Elena Valenciano et la socialiste italienne Alessia Mosca.

Ce chaos au Parlement semble être l'aboutissement naturel d'un processus déjà insondable.

Suite à la décision de la Cour de justice de l'UE selon laquelle les préférences commerciales UE-Maroc ne peuvent être appliquées au Sahara Occidental qu'avec le consentement du peuple du Sahara Occidental, la Commission européenne a négocié l'inclusion du territoire avec le Maroc, ignorant complètement les Sahraouis. La Commission n'a pu présenter aucune analyse d'impact, ni aucune statistique sur les volumes d'échanges - impensable dans tout autre contexte de négociations commerciales. Une réunion à laquelle le Front Polisario, représentant du peuple sahraoui et reconnu par l'ONU, avait demandé d'explorer la coopération commerciale avec l'UE, a été prise au piège pour donner l'impression que la Commission avait consulté le Polisario sur sa proposition. Une lettre de protestation signée par près de 100 organisations de la société civile du Sahara Occidental a été traitée de la même manière. La Commission accepte le rejet par le Maroc d'un mécanisme de traçabilité fiable garantissant la transparence sur l'origine réelle des produits importés dans l'Union européenne dans le cadre de l'accord, malgré la législation de l'Union rendant cette information de base obligatoire pour les produits alimentaires.

Les médias européens ont révélé que la rapporteure originale du Parlement, Patricia Lalonde, en tant que membre du conseil d'administration d'un groupe d'influence travaillant pour le Maroc, avec l'intention déclarée de "mettre en perspective la spécificité de la région du Sahara, son aspect géopolitique stratégique et l'importance de son rôle dans le développement économique, social et environnemental durable". Le rapport de Lalonde, appelant le Parlement européen à approuver l'accord proposé, contient des allégations mensongères et fausses. Pourtant, le jour de sa démission - alors qu'une enquête parlementaire sur son éventuelle infraction au code de conduite du Parlement avait été lancée -, son rapport avait été approuvé par la commission du Commerce international du Parlement. Et c’est ce rapport qui sert de base - sans autant qu’un débat public à ce sujet - pour le vote en plénière de demain.
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